Page:Lévy-Bruhl - Morceaux choisis, 1936.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

attention, ce sont des portions pour ainsi dire concrètes d’espace, des directions, des emplacements caractérisés par leur solidarité avec certains êtres, et de même des périodes qualitativement définies par leur participation avec les êtres qui y existent.

Les indigènes sentent vivement la différence qui distingue la période mythique de l’actuelle et de l’histoire qu’elle comporte. Ils l’expriment à leur manière, non pas, comme nous le ferions, par les résultats d’une analyse comparative, mais par la description des caractères propres aux êtres de chacune.

Quand les primitifs disent que le monde mythique est à l’origine de toutes choses, cela ne signifie pas seulement qu’il est d’une antiquité pour ainsi dire transcendante et « métahistorique », mais aussi, et surtout, que tout ce qui existe en est issu, ou, selon l’expression citée plus haut, que cette période est « créatrice ».

(My. P., pages 5-8.)

Persistance du passé mythique.

Le passé si reculé dont parlent les mythes est cependant à la fois passé et présent. « Les faits de création ne sont pas vivants dans la légende au seul titre d’événements séparés nettement du présent par un abîme de temps écoulé dans l’intervalle. Les indigènes croient fermement à une continuité. Une scène mythique a beau être placée au temps de la création, ses acteurs sont encore en vie, et leur influence encore dominante. »

(My. P., page 39.)

Le monde des mythes.

Dans un passé très lointain, au temps où « il n’y avait pas encore de temps », alors que le pays n’offrait pas le même aspect qu’aujourd’hui, l’état des choses différait fort de celui que nous voyons. C’était le monde décrit par les mythes : objet, pour les indigènes, d’un intérêt passionné et inépuisable. Car on y reconnaît la cause et l’origine du monde