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ancêtres (type mythique) se trouvent rejetés dans l’ombre, ou même dans l’oubli.

(My. P., pages 8-11.)

Êtres mythiques mi-humains, mi-animaux.

Il est de règle dans les mythes que les animaux et les hommes soient mis sur le même pied. Cette assimilation va tellement de soi que souvent elle reste implicite. Le mythe parlait d’hommes, et tout à coup, à un certain moment du récit, on s’aperçoit que ce sont des kangourous, ou inversement. Pour ne citer qu’un cas de ce genre, entre mille, « il y avait une fois, dit un mythe Loritja, deux aigles qui vivaient à Kalbi… Ils avaient construit leur nid sur un haut rocher, et dans ce nid se trouvaient deux aiglons que les vieux aigles nourrissaient de chair de wallaby. Un jour, les deux vieux aigles s’envolèrent très loin de leur demeure, et arrivèrent à Eritjakwata… où ils tuèrent un kangourou gris à coups de lance[1]. » Ces vieux aigles étaient donc des humains ? À quel moment en avaient-ils pris la forme ? Le mythe ne croit pas nécessaire de le spécifier.

(My. P., page 35.)

Nombre de mythes, australiens et papous, relatent les aventures et les hauts faits des « ancêtres » ou « héros civilisateurs ». Doués de pouvoirs extraordinaires, ils ont produit, « créé », tout ce que contient le monde actuel espèces vivantes, objets inanimés, traits saillants de la région (lacs, fleuves, montagnes, rochers, etc.). Ils sont aussi les fondateurs des institutions, et les auteurs des inventions essentielles qui ont rendu possible la vie sociale. En même temps, ils avaient la faculté de prendre à leur gré la forme qui leur plaisait.

Or, presque toujours (les exceptions sont rares), les mythes nous représentent ces ancêtres, ou héros civilisateurs, comme étant à la fois hommes et animaux.

À peu près partout où l’on a recueilli des mythes de ce genre, les ancêtres et héros civilisateurs dont ils parlent se

  1. C. Strehlow, Die Aranda- und Loritja-Stämme in Zentral-Australien, II, p. 20.