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De la valeur de la Chasteté NOTIONS PRELIMINAIRES. DE LA CONSCIENCE MORALE. Ce qu’on appelle communément Conscience morale est un ensemble de jugements de valeur. Mais l’usage n’est pas d’attribuer à la conscience tous les jugements relatifs à la valeur des actions. Ceux que nous formons par application raisonnée de quelque principe et qui relèvent d’une théorie ne lui appartiennent pas, mais seulement ceux qui sont spontanés, du moins en apparence, et ne se présentent pas comme des conclusions. On dirait une sorte d’inspiration, de révélation intérieure. Le nom d’intuition convient à ces connaissances qui semblent être des données de l’expérience et qui ne sont pas, ne peuvent pas être de simples données. M. Lalande, dans le Vocabulaire philosophique, conseille de ne jamais employer seul le mot intuition que dans cette acception, la plus originale, celle dans laquelle il ne peut être remplacé par aucun autre « une vue immédiate et actuelle, présentant le même caractère que la connaissance sensible », c’est-à-dire une pseudo-expérience.

Le plaisir et la douleur sont les seules valeurs qui puissent être objets d’expérience directe. Le plaisir nous est donné immédiatement comme un bien, la douleur comme un mal. Dans ces jugements du sens intime : Je jouis ou Je souffre, le jugement de 

valeur n’est ni séparé ni séparable du jugement d’existence; le fait de sensibilité est aussi immédiatement évalué que perçu. Autrement dit, ces jugements : Ce plaisir que j’éprouve est un bien et Cette douleur est un mal sont des jugements analytiques. C’est pourquoi des moralistes ont tenté de ramener au plaisir et à la douleur tous les biens et tous les maux. Mais les règles même les plus simples d’une morale utilitaire dépassent déjà de beaucoup de simples données de la sensibilité. Elles comportent l’idée