H. DELACROIX. – LA FOI ET LA RAISON 7
L’intellectualisme se présente sous deux grandes formes. Ou
bien il ignore ou abolit les notions de mystère et de révélation
les vérités religieuses sont alors des propositions d’ordre méta~physique,
auxquelles la raison accède par des démarches naturelles
et inévitables ; le mystère n’est que l’obscurité initiale ; la révélation,
si elle existe, l’aide bienveillante d’un Dieu qui prévient la
raison et fournit à l’esprit le résultat avant la recherche. Un tel
croyant est un métaphysicien. Reste à savoir si, dans un tel système,
l’enchaînement du raisonnement aboutit, à lui seul, à la certitude ;
pour franchir la probabilité, la possibilité, pour sortir de l’hypothèse,
ne faut-il pas — et beaucoup le reconnaissent, et cette
prétendue métaphysique devient alors une métaphysique affective
– une part d’adhésion affective, sentimentale, personnelle ? Le
mouvement qui va de l’essence à l’existence, n’a-t-il point toujours
pour moteur un surplus d’être ? De la perfection logique à l’être,
de la possibilité à la réalité, le chemin ne passe-t-il pas toujours
par la valeur, c’est-à-dire par l’accord senti de l’hypothèse avec
les aspirations les plus profondes du sujet ? Qu’il s’agisse de Dieu
et de la vie morale, du progrès de .l’humanité, de la société, du
sort de la vérité et des valeurs, de l’avenir de la science, il n’y a
peut-être toujours pour l’esprit que des possibilités et des probabilités
que l’ardeur des esprits et des âmes transforme en certitude.
Une religion à mystères et à révélation, du moment que les
notions de mystère et de révélation sont formellement proclamées,
reconnues et comprises, peut encore se proposer à la raison par le
détour de l’illumination et de l’intuition intellectuelle. D’où, en
apparence, une seconde forme de rationalisme, qui, en réalité, ne
fait que doubler la première ou verser dans le sentimentalisme.
La révélation se propose directement, intrinsèquement, par ellemême
et sans preuves externes ; mais alors c’est à une raison illuminée,
à une intuition au-dessus de la raison qu’elle s’adresse, et
cette illumination complaisante et guidée par la foi, est bien près
de lui ressembler ; ou bien c’est au cœur qu’elle s’adresse ; et l’on
conviendra franchement qu’une telle intuition n’est qu’un autre
nom de la sensibilité et du cœur équivoquant parfois sur le cœur,
comme Pascal ; on sort alors de l’intelligence et c’est parce qu’elle
convient à l’âme et qu’elle lui propose, par exemple, une vie et
une image idéales, que la religion est acceptée. Pour se justifier