Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/22

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que vient encore de me prouver avec précision un autre ouvrage excellent en son genre et très instructif, l’Histoire du matérialisme et critique de sa valeur pour l’époque contemporaine, par F.-A. Lange, 1866. Nous avons affaire ici à un kantien et à un naturaliste extrêmement éclairé. Les trois propositions suivantes résument sa conclusion :

» 1° Le monde sensible est le produit de notre organisation ;

» 2° Nos organes visibles (corporels) ne sont, comme les autres parties du monde phénoménal, que les images d’un objet inconnu ;

» 3° Notre organisation réelle demeure pour cette raison tout aussi inconnue de nous que les objets extérieurs réels. Nous n’avons constamment devant nous que le produit des deux.

» Ainsi, non seulement nous ne connaissons pas la vraie essence des choses, la chose en soi, mais encore l’idée même de cette chose en soi n’est rien de plus et rien de moins que la dernière conséquence d’une antithèse relative à notre organisation, et dont nous ne savons pas si elle a un sens quelconque en dehors de notre expérience. En conséquence, Lange estime qu’on doit laisser aux philosophes toute liberté, à condition qu’en retour ils nous édifient. L’art est libre, même dans le domaine des conceptions. Qui veut réfuter une phrase de Beethoven ou reprocher une erreur à la Madone de Raphaël ? — Tu vois que, même en se plaçant à ce point de vue,