Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/44

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phie de l’histoire que Stirner, esprit critique, partisan de la Révolution française et des idées modernes.

Stirner, comme toute la gauche hégélienne, voit dans l’histoire un progrès continu. Les âges de l’humanité correspondent aux âges de l’individu. De même que chacun de nous, l’humanité a eu son enfance ; elle est encore dans sa jeunesse, mais touche à l’âge mûr. Ceux que nous appelons les anciens devraient s’appeler les enfants ; de même en effet que les enfants tiennent aux objets qui les entourent, à leurs jouets ou à leurs parents, de même les anciens respectaient la nature et la famille. « Pour les anciens, dit Feuerbach, le monde était une vérité. » On saisira mieux la portée de cette proposition, si l’on songe que les chrétiens ne voyaient que vanité dans ce monde éphémère. Les anciens étaient patriotes, tandis que le chrétien doit se considérer comme un étranger sur terre ; Antigone mettait au-dessus de toutes les autres obligations le devoir sacré d’enterrer les morts ; le chrétien dit : « Laisse les morts enterrer les morts » et ne se sent pas enchaîné par les liens de la famille. Il y a donc opposition entre l’antiquité et le christianisme ; mais le christianisme a été préparé au sein même de l’antiquité par les sophistes qui ont fondé la dialectique, par Socrate qui a fondé l’éthique et par les sceptiques. Le travail gigantesque des anciens a eu pour résultat de dégager l’homme de tous les liens natu-