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Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/48

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impossible, dit Stirner, de confondre cette égalité dans la servitude sous l’autorité de la monarchie prussienne avec l’égalité qu’a proclamée la Révolution française : il y a loin de l’égalité des sujets à l’égalité des citoyens libres. Tandis qu’en Prusse la représentation nationale exprime respectueusement les vœux des sujets, en France les citoyens libres dictent par la voix de leurs représentants leurs volontés. — Stein a promis d’autre part à chacun le droit de « développer librement ses forces en leur donnant une direction morale. » Il est évident que par ce mot « direction morale » Stein a entendu interdire la spontanéité, l’autonomie et la souveraineté de la volonté individuelle ; il a voulu dire : « Vous êtes libres, si vous faites votre devoir, c’est-à-dire si vous aimez Dieu, le roi et la patrie. » La Révolution française au contraire a déclaré que la liberté des citoyens était une liberté souveraine.

Nietzsche se garde bien de réclamer, comme le fait Stirner, la liberté et l’égalité des citoyens. Dès 1871, il essaie de montrer la nécessité de l’esclavage[1]. S’il est vrai que le génie est la fin suprême de la nature, nous sommes forcés d’admettre que c’est l’organisation de la société grecque qui a permis d’atteindre ce but. La merveilleuse fleur de l’art grec n’eût pu s’épanouir si elle n’avait été protégée. Reconnaissons donc, malgré l’horreur que nous inspire toute

  1. Nietzsche, Nachgelassene Werke, IX, 93-101.