Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/61

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supérieur aux fins provisoires qu’il s’est imposées, en détruisant ces créatures éphémères, Nietzsche propose d’une part au sujet de confondre sa cause et celle de l’humanité, et d’autre part l’engage à rester fidèle au devoir qui est né et qui a mûri en lui, dût-il mourir pour faire vivre le fruit de ses entrailles.


b) La tradition et la liberté


Stirner oppose la liberté à la moralité qui n’est à l’origine que tradition et habitude. Agir d’après la coutume de son pays, c’est être moral : en Chine, par exemple, on s’en tient à la tradition, et on déteste comme un crime digne de mort toute nouveauté[1]. Mais, dans l’Europe chrétienne même, on ne fait que réformer ou améliorer les traditions, ce qui est une manière de les fortifier et de les conserver. On remplace sans cesse les anciens statuts par de nouveaux, les anciennes règles générales par de nouvelles : bref, les maîtres changent, la domination reste. Or, selon Stirner, la liberté exclut toute stabilité, toute substance, tout objet immuable. Il faudrait détruire, anéantir toutes les coutumes, tous les articles de foi, toutes les maximes et tous les principes qu’on prétend nous imposer comme ayant une valeur durable et sacrée. Le sujet n’est pas libre tant qu’il doit respecter une croyance. Le christianisme

  1. Stirner, Der Einsige und sein Eigentum, p. 83.