Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/74

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qu'une forme de l'égalité chrétienne, de l'égalité des frères, des enfants de Dieu : c'est un synonyme de fraternité. Quand la Révolution française déclara que les droits naturels de l'homme étaient sacrés et imprescriptibles, c'est-à-dire éternels, elle s'aventura dans le domaine religieux, dans la région du sacré, de l'idéal. Aux droits éternels, on opposa les droits historiques. Ceux-ci, en effet, sont aussi bien que les autres des droits naturels, car on les acquiert en naissant. Quelle différence y a-t-il entre le prince héritier qui dit : je suis le roi par droit de naissance, et le citoyen qui dit : Je suis homme par droit de naissance ? La force seule décide, à vrai dire, dans ces conflits de droits : si les citoyens laissent monter le prince héritier sur le trône, ils ont le droit qu'ils méritent, celui d'être des sujets. Il en est du droit de propriété comme des droits politiques : les communistes affirment que la terre appartient à ceux qui la cultivent, les produits à ceux qui les créent ; non, les biens appartiennent à ceux qui les prennent et savent les garder. Pour moi, le tigre qui m'attaque a le droit de m'attaquer ; si je le tue, j'en ai le droit aussi. Mais vous, vous reculez devant vos adversaires parce que vous croyez voir le spectre du droit combattre avec eux, comme les déesses combattaient avec les héros d'Homère ; au lieu de lancer le javelot, vous tâchez de séduire le spectre et de l'attirer de votre côté[1].

  1. Stirner, Der Einsige, Meine Macht.