Page:Lévy - Stirner et Nietzsche.djvu/92

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« Il y eut jusqu’ici mille fins, car il y avait mille peuples. Seul le joug des mille nuques manque encore, il manque la fin Une. L’humanité n’a pas encore de fin.

« Mais dites-moi donc, mes frères, si la fin manque encore à l’humanité, ne faut-il pas dire que l’humanité elle-même manque encore[1] ? »

Ainsi, selon Stirner, le Moi s’affirmer en affirmant son indépendance absolue ; selon Nietzsche, on s’affirme soi-même en affirmant une fin, en s’imposant le joug d’un idéal.


d) Le Moi et la Volonté de puissance


Toutes ces oppositions entre les idées de Stirner et celles de Nietzsche se ramènent à l’opposition fondamentale entre le Moi et la Volonté de puissance.

Stirner a cherché à définir la nature de l’être. Mais il s’est aperçu que tout prédicat était un danger pour le sujet. Si tu admets que tu es par exemple un homme, un esprit, un chrétien, etc., on ne respectera en toi que l’homme, l’esprit, le chrétien ; on t’obligera à te conformer au caractère que tu t’es laissé donner. Aussi Stirner conclut-il que l’être est unique, c’est-à-dire impossible à définir ; sans prédicat, mais aussi sans vocation et sans loi[2].

Nietzsche, au contraire, a cherché à dégager la loi

  1. Nietzsche, Also sprach Zarathustra, VI, 87.
  2. Stirner, Kleine Schriften, 116.