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L’ÉTOURDI.

D’abord j’écrivis à mon pere, que mon frere, en revenant de l’exercice, avait attrapé une pleureuſie occaſionée par un paſſage rapide du chaud au froid, & je lui laiſſai entrevoir que les médecins donnaient fort peu d’eſpoir. Dans cet intervalle, & ſous un faux pretexte, j’engageai le domeſtique de mon frere, de ne point mettre à la poſte les lettres que ſon maître y enverrait ; l’on ſent qu’elles auraient dérangé mon projet.

M. De Falton me répondit avec toute la tendreſſe & la douleur d’un pere, & me recommanda de n’epargner ni ſoins ni argent pour conſerver les jours d’un fils pour lequel il adreſſait des vœux au ciel. Il finiſſait la lettre par des réflexions ſi vraies & ſi morales qu’elles manquerent de me faire deſiſter de mon projet ; & je ſentis aux combats qui ſe livraient au dedans de moi-même qu’il ne fallait pour le pourſuivre, rien moins que ma ſituation.

Je répondis ſur le champ à mon pere, que mon frere était mort depuis quelques jours, que ſa réſignation à la vo-