Page:L’Étourdi, 1784.djvu/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
6
L’ÉTOURDI.

Exact à remplir les devoirs de l’amitié, & les engagements que j’avais contracté avec mon camarade, je volai au couvent, ne ſoupçonnant nullement de lui enlever le cœur de ſa maîtreſſe. J’avoue que ſi j’avais pu le prévoir, je n’aurais alors pas balancé un inſtant de ſacrifier mes plaiſirs à ſon bonheur.

Tous deux de bout vis-à-vis l’un de l’autre, je demeurai muet. Elle avait perdu la parole ; nos yeux ſeuls étoient les interprêtes du trouble que nous éprouvions. Cependant comme le ſilence n’eſt pas à ſa place dans un parloir de religieuſes. Je remis à la belle penſionnaire l’épître de mon ami, en lui faiſant un compliment qui ſe reſſentait de la ſituation de mon cœur. Sa réponſe n’annonça pas plus de tranquillité, & ſi elle ſe ſervit de quelques expreſſions tendres, lorſqu’elle me parla de Nanlo, ſes yeux ſemblaient me permettre de croire que j’en étais l’objet. Elle me pria de venir le lendemain chercher la réponſe qu’elle ferait au Chevalier. Je le lui promis, & fus chez moi rêver à l’amour qu’on venait de m’inſpirer.