Page:L’Étourdi, 1784.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
L’ÉTOURDI.


pas, mon cher Deſpras, de te dire que Madame Berle était une veuve de trente-deux ans, dont la taille, réguliérement bien priſe, répondait à un de ces minois mutins auxquels on ne peut réſiſter. Elle était ſage ſans contrainte & ſans vanité, ne croyait pas comme beaucoup d’autres, qu’on n’eſt jamais plus reſpectable que lorſqu’on eſt ennuyeux. Elle n’avait point plié ſon eſprit qui eſt naturellement gai à ne jamais ſe permettre de ces petites ſaillies qui font l’enjouement des femmes, & le charme des ſociétés.

Madame Berle n’était pas aſſez mépriſable pour affecter des vertus qu’elle n’avait pas ; mais elle était aſſez prudente pour obſerver le décorum, afin de faire taire les mauvaiſes langues. Les veuves qui ſont jeunes & jolies, ont en province beaucoup de ménagement à garder. Elles ne doivent pas recevoir chez elles les jeunes gens, & ſurtout les militaires : leur maiſon ne doit être ouverte que pour leurs parens, & pour certains hommes que leur âge & leur état met au deſſus du ſoupçon.