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tant pas libre, ce qui l’empêche de l’être, est la seule nature de son cerveau, et peut-être encore celle de ses esprits.

Troisièmement, pourquoi l’ame des fous n’est-elle pas libre, elle peut encore diriger le mouvement de ses esprits. Ce pouvoir est indépendant des dispositions où est le cerveau des fous. Si on dit que le mouvement naturel de leurs esprits est alors trop violent, il s’ensuit que dans cet état la force de l’ame n’a nulle proportion avec celle des esprits qui l’emporte nécessairement, que dans un état plus modéré où la force de l’ame commence à avoir de la proportion avec celle des esprits, l’ame ne peut pas changer entièrement le mouvement des esprits, mais seulement leur en donner un composé de celui qu’ils avaient d’abord et de celui qu’elle leur imprime de nouveau, ce qui est autant de rabattu sur la liberté de l’ame, et qu’enfin l’ame n’est entièrement libre, que quand elle imprime un mouvement aux esprits qui d’eux-mêmes n’en avaient aucun, ce qui apparemment n’arrive jamais.

En quatrième lieu, l’ame devrait n’avoir jamais plus de facilité à diriger le mouvement des esprits que pendant le sommeil, et par conséquent elle ne devrait jamais être plus libre.

Si on dit que les pensées, tant les premières que les secondes, dépendent absolument des dispositions du cerveau, mais qu’elles ne sont que la matière des délibérations, et que le choix que l’ame en fait est absolument libre ? Je demande ce qui met cette différence de nature entre les pensées et le choix qu’on en fait, et pourquoi les fous et ceux qui rêvent ne font pas des choix libres et indépendans des pensées auxquelles leur cerveau les détermine.

Sur les mouvemens volontaires du corps, l’opinion commune est que l’on remue librement le pied, le bras, et il est vrai que ces mouvemens sont volontaires ; mais il ne s’ensuit pas absolument de là qu’ils soient libres. Ce qu’on fait parce qu’on le veut, est volontaire, mais il n’est point libre, à moins qu’on pût s’empêcher réellement ou effectivement de le vouloir.

Quand je remue la main pour écrire, j’écris parce que