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Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/162

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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO

Comme faisait ce Roi qui ne mangeait pas,
Parce que tout ce qu’il touchait
Devenait d’or ;
Au contraire, toute nourriture me plaît davantage,
Justement parce qu’elle devient une Moniche ;
Elle ne me tente que plus
Et m’excite si fort l’appétit,
Qu’elle fait que plaît davantage la friture.
Elle me donne un tel prurit,
Que je mange les choses les plus abjectes,
Pourvu qu’elles soient à la sauce de la Moniche.
Ô Moniche bénie !
Le nectar des Dieux ne vaut pas un zest,
Comparé au bon goût qu’a ton bouillon !
Tu es meilleure que le miel,
Et bien autre que le sans-pareil et la mélisse
Est la Moniche, quand elle vous pisse dans la bouche !
J’ai dans l’estomac
La Moniche si bien fixée, et dans la tête,
Qu’au monde il ne me reste rien que la Moniche,
Et si je mande à la hâte
Ma pensée en quête de quelque idée abstraite ;
M’apparaît une Moniche faite comme elle
Chère bien heureuse Moniche,
Sujet de mes consolations,
Tu me donnes donc du plaisir même en songe !
J’en ai plus de satisfaction,
Parce qu’on peut se figurer en idée les plaisirs
Bien plus grands qu’ils ne sont réellement.
En toi continuellement
Je découvre choses admirables, au point
Que d’en parler un homme n’est pas digne.
Ô soutien du Monde,
Ô centre des plaisirs et des contentements,
Ô soulagement des malheureux vivants,