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INTRODUCTION

l’amour de la gloire qui dépend de la littérature, car les applaudissements me mirent au faîte du bonheur. L’Anglais, émerveillé, après avoir dit que jamais garçon de onze ans n’en avait fait autant, m’embrassa à plusieurs reprises et me fit présent de sa montre. Ma mère, curieuse, demanda à M. Grimani ce que ces vers signifiaient ; mais l’abbé n’y comprenant pas plus qu’elle, ce fut M. Baffo qui le lui dit à l’oreille. Surprise de mon savoir, elle se leva, alla prendre une montre d’or et la présenta à mon maître, qui, ne sachant comment s’y prendre pour lui marquer sa grande reconnaissance, rendit la scène très comique. »

Les poèmes du Baffo ne parurent pas de son vivant. Trois ans, après sa mort ses amis firent paraître un recueil qui contenait près de deux cents pièces. L’édition de 1789, due à l’admiration que lord Pembroke éprouvait pour le poète vénitien, en contient un nombre beaucoup plus grand. L’édition de Liseux qui comporte le texte et une traduction française donne quelques pièces inédites.

Gamba[1] signale qu’il y a dans les bibliothèques de Venise beaucoup de poèmes de Baffo : « Mais, ajoute Gamba, tous du même calibre. Il n’y a pas d’écrit de Giorgio Baffo qui ne soit licencieux. »

Ce poète qui fit souvent songer à Horace avait avant tout du bon sens, et la raison ne gênait point son lyrisme.

Pour ce qui est de son obscénité, on peut répondre que le Baffo a chanté ce qu’il a voulu et que ce qu’il a voulu chanter était ce qui lui plaisait le plus : l’amour. Il l’a fait en toute liberté et avec une grandeur que le patois vénitien ne paraissait pas devoir rendre.

  1. Serie degli scritti impressi in dialetto veniziano compilata ed illustrata di Bartolomeo Gamba, giuntevi alcune ode d’Orazio tradotte da Pietro Bussolin Venezia dalla tipografia di Alvisopoli MDCCCXXXII.