Aller au contenu

Page:L’Œuvre du patricien de Venise Giorgio Baffo, 1910.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
247
L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO

L’AUTEUR SE LAMENTE D’ÊTRE NÉ TROP TÔT

Canzone

Au Destin je me plains souvent
D’être né à une époque
Où de ce qui se fait à présent
Il n’était pas même question.

C’étaient d’autres temps que ceux-ci,
Alors que j’étais un jeune homme ;
Il fallait cinq notes sur six
Pour parler à une chambrière.

Si l’on mettait semblable étude
Pour dire un mot à cette coïonne,
Jugez un peu ce qu’il fallait
Pour parler avec la maîtresse.

Le monde était très différent ;
Les maris étaient plus retors,
Et c’eût été du temps perdu
Que de courtiser la femme d’autrui.

Chaque femme de son honneur
Vivait en garde, bien défendue,
Et si l’on voulait lui faire l’amour
Il fallait aller à l’église.

Il fallait pour lui parler
Attendre quelque fête,
Et c’était grand hasard de lui donner
Sur le cul un petit pinçon.

D’aller en gondole avec elle
Jamais ne serait venue l’idée,