Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

en tire une fiole pleine de liqueur. Sur ces yeux puissants où Amour a allumé sa plus cuisante flamme, il en jette légèrement une goutte qui suffit à endormir Angélique. La voilà gisant, renversée sur le sable, livrée à tous les désirs du lubrique vieillard.

Il l’embrasse et la palpe à plaisir, et elle dort et ne peut faire résistance. Il lui baise tantôt le sein, tantôt la bouche ; personne ne peut le voir en ce lieu âpre et désert. Mais, dans cette rencontre, son destrier trébuche, et le corps débile ne répond point au désir. Il avait peu de vigueur, ayant trop d’années, et il peut d’autant moins qu’il s’essouffle davantage.
Il tente toutes les voies, tous les moyens, mais son roussin paresseux se refuse à sauter ; en vain il lui secoue le frein, en vain il le tourmente, il ne peut lui faire tenir la tête haute. Enfin, il s’endort auprès de la dame qu’un nouveau danger menace encore

Quelle richesse de palette, quelle variété de tons, quelle finesse, quelle grâce, quelle force, quelle puissance de peinture ! Comme c’est bien la maîtresse qualité qu’Horace réclame chez un poète : ut pictura pœsis.

On a voulu voir dans Roland furieux une critique de la chevalerie : Ces grands coups d’épée qui fendent du haut en bas chevaux et cavaliers bardés de fer ; ces lances magiques au bout desquelles Roland emporte à bras tendu et au galop de son coursier jusqu’à dix Sarrasins, enfilés les uns après les autres comme une brochette de mauviettes ou de grenouilles ; ces castels enchantés qui apparaissent et s’évanouissent à la cime des monts chenus sur un signe, sur une parole