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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 1.djvu/160

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« Cette gente dame qui t’aime tant, et qui est si digne de ton amour ; celle à qui, si tu te le rappelles, tu dois ta délivrance opérée par elle, t’envoie cet anneau qui détruit tout enchantement ; elle t’aurait de même envoyé son cœur, si elle avait cru que son cœur eût la même vertu que l’anneau pour te sauver. »

Et elle poursuit en l’entretenant de l’amour que Bradamante lui a jusqu’ici porté et lui porte encore. Entraînée par la vérité et l’affection, elle lui vante sa grande valeur ; enfin, avec l’adresse qui convient à une messagère adroite, elle rend Alcine aussi odieuse à Roger que le sont d’ordinaire les choses les plus horribles.

Elle la lui rend aussi odieuse qu’il l’avait aimée auparavant. Que cela ne vous paraisse pas étrange, puisque son amour, qui n’existait que par la force des enchantements, fut détruit par la présence de l’anneau. L’anneau lui fit voir encore que tout ce qu’Alcine avait de beauté était factice ; tout en elle était factice des pieds à la tête. Sa beauté disparut, et il ne resta que la lie.

Ainsi l’enfant cache un fruit mûr, et puis ne se souvient plus de l’endroit où il l’a mis ; plusieurs jours après, il y revient par hasard et retrouve son dépôt. Il s’étonne alors de le voir tout pourri et gâté, et non comme il était quand il l’a caché ; et autant il l’aimait et avait coutume de le trouver bon, autant il le hait, le méprise, le prend en dégoût et le rejette.

De même Roger, après que Mélisse l’eut ren-