Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/106

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chaudron où cuisaient les herbes, et dit à Rodomont : « Pour qu’il soit manifeste que mes paroles n’ont pas été jetées au vent, et pour prouver combien la vérité diffère du mensonge et qu’elle peut rendre savants les gens grossiers, je veux faire l’expérience, non sur autrui, mais sur moi-même et tout de suite.

« Je veux, la première, faire l’essai de l’heureuse liqueur pleine de vertu, afin que tu ne t’imagines pas que c’est peut-être un poison mortel. Je m’en frotterai de la cime de la tête jusqu’au-dessous du col et de la poitrine. Puis, tu éprouveras sur moi ta force et ton épée, pour voir si l’une est vigoureuse et si l’autre est tranchante. »

S’étant ointe comme elle l’avait dit, elle se plaça souriante et le cou nu, devant l’inepte païen rendu plus inepte encore par le vin qui l’avait vaincu, et sous les coups duquel casque ni écu n’aurait résisté. Ce bestial, croyant ce qu’on lui disait, frappa si fort de la main et du fer cruel, qu’il sépara d’un seul coup le tronc, la poitrine et le dos, de la belle tête, naguère encore séjour favori d’Amour.

La tête rebondit trois fois, et l’on entendit clairement une voix s’en échapper en murmurant le nom de Zerbin. C’est ainsi qu’Isabelle trouva cet étrange moyen de suivre son ami et de fuir des mains du Sarrasin. Âme qui préféras ta foi et la chasteté dont le nom est presque inconnu de nos jours, à la vie et à la verte jeunesse,

Va-l’en en paix, âme bienheureuse et belle. Que