Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/111

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Elle est richement vêtue ; sa figure est belle, et, sous ses manières accortes, elle montre une grande réserve. C’était, s’il vous en souvient, seigneur, la damoiselle qui s’en allait cherchant des nouvelles de Brandimart son amant, partout ailleurs qu’où il était, c’est-à-dire à Paris.

Fleur-de-Lys — c’est ainsi que se nommait la damoiselle—arriva près du pont, au moment même où Roland entrait en lutte avec Rodomont qui voulait le jeter dans la rivière. La dame, qui avait longtemps fréquenté le comte, le reconnut sur-le-champ, et s’arrêta, remplie d’étonnement à la vue de la folie qui le faisait ainsi aller nu.

Elle s’arrêta pour regarder comment se terminerait la lutte furieuse de deux hommes si vigoureux. Pour se faire tomber l’un l’autre du haut du pont, tous deux concentrent toute leur force. « Comment se fait-il qu’un fou soit si fort ? » se dit entre ses dents le fier païen. Et de çà, de là, il tourne et s’agite, plein de dépit, d’orgueil et de colère.

De l’une et l’autre main il cherche à le saisir à l’endroit le plus favorable ; il lui passe adroitement entre les jambes, tantôt le pied droit, tantôt le pied gauche. Rodomont, aux prises avec Roland, ressemble à l’ours stupide qui croit pouvoir déraciner l’arbre d’où il est tombé, et qui, lui attribuant sa mésaventure, s’acharne contre lui dans sa rage haineuse.

Roland, dont l’esprit était perdu je ne sais où, et qui se servait uniquement de sa force, de cette