Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/158

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avec ses paladins, auxquels s’était joint le fils du riche Monodant, le fidèle et sage amant de Fleur-de-Lys.

Celui qu’elle avait pendant tant de jours, et par de si longs chemins, cherché en vain dans toute la France, elle le reconnut de loin aux insignes qu’il avait l’habitude de porter. Dès que Brandimart la vit, il abandonna le champ de bataille, et tout entier revenu à des sentiments plus humains, il courut l’embrasser. Plein d’amour, il lui donna mille baisers, ou peu s’en fallut.

Les chevaliers de cette antique époque avaient grande confiance en leurs dames et en leurs damoiselles. Ils les laissaient aller sans escorte par monts et par vaux dans des contrées étrangères ; et, au retour, ils les tenaient pour bonnes et belles, sans que jamais le soupçon vînt les saisir. Fleur-de-Lys raconta sur-le-champ à son amant que le seigneur d’Anglante était devenu fou.

Brandimart aurait eu peine à croire d’une autre bouche une si étrange et si fâcheuse nouvelle ; mais il la crut, venant de la belle Fleur-de-Lys qui lui avait déjà fait croire des choses bien plus fortes. Elle ajouta qu’elle l’avait non pas entendu dire, mais qu’elle l’avait vu de ses propres yeux, et qu’elle connaissait Roland de longue date et mieux que tout autre ; et elle dit où et quand.

Elle lui rapporta la scène dont elle avait été témoin sur le pont dangereux, dont Rodomont disputait le passage à tous les chevaliers, afin de leur enlever leur soubreveste et leurs armes pour