Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/179

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en parlait également partout hors du camp. Les nombreux témoignages de sympathie que Roger et Marphise échangeaient, avaient donné lieu à ces rumeurs ; et il suffit d’une seule bouche pour accréditer une nouvelle bonne ou mauvaise, et la propager à l’infini.

L’arrivée de Marphise parmi les Maures, en compagnie de Roger, et sa présence continuelle à ses côtés, avaient tout d’abord donné naissance à ce bruit. Mais ce qui l’avait encore accru, c’était qu’après avoir quitté le camp en enlevant Brunel, comme je l’ai conté, elle y était ensuite revenue sans avoir été rappelée par personne et seulement pour voir Roger.

Elle était venue au camp non pas une fois, mais souvent, dans le seul but de visiter Roger qui languissait gravement blessé. Elle y restait tout le jour, et ne partait que le soir, ce qui donnait encore plus à parler aux gens, car on la connaissait pour tellement fière, qu’elle tenait tout le monde pour vil à côté d’elle, tandis qu’elle était humble et douce pour Roger seul.

Comme le Gascon assurait Bradamante que tout cela était vrai, celle-ci fut saisie d’une peine si violente, qu’elle faillit tomber à la renverse. Sans rien répondre, elle fit faire volte-face à son destrier, le cœur plein de jalousie, de colère et de rage. Ayant perdu toute espérance, elle rentra furieuse dans son appartement.

Et sans quitter ses armes, elle se jeta tout de son long sur son lit, le visage enfoui dans les draps