Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/182

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Ainsi disant, elle saute de son lit, disposée à mourir, et, tout enflammée de rage, elle dirige la pointe de son épée sur son sein gauche. Elle s’aperçoit alors qu’elle est toute couverte de ses armes. Une pensée meilleure naît dans son esprit et lui parle ainsi tout bas : « Ô dame de si haut lignage, tu veux donc en mettant fin à tes jours encourir un si grand blâme ?

« Ne vaut-il pas mieux que tu ailles au camp, où une mort glorieuse peut se rencontrer à toute heure ? Là, s’il advient que tu tombes devant Roger, il pleurera peut-être encore sur ta mort. Mais si tu meurs frappée par son épée, ne mourras-tu pas plus contente ? Il est bien juste que ce soit lui qui t’arrache la vie, puisqu’il te fait vivre en tant de peine.

« Peut-être encore, avant que tu meures, pourras-tu tirer vengeance de cette Marphise qui cause ta mort en détournant de toi Roger par ses amours frauduleuses et déshonnêtes » Ces. pensées semblent meilleures à la damoiselle. Aussitôt, elle se fait faire, pour mettre sur ses armes, une devise qui doit indiquer sa désespérance et son désir de mourir.

Sa soubreveste était de la couleur de la feuille qui se fane quand elle tombe de la branche, et que la sève, qui la faisait vivre sur l’arbre, vient à lui manquer. Elle l’avait fait broder au dehors de troncs de cyprès flétris, comme lorsque la hache les a frappés. Ce vêtement convenait très bien à sa douleur.

Elle prit le destrier qu’Astolphe avait coutume