Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/23

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tombe enfin parmi l’herbe et les fleurs, pâle sous ses armes rouges de sang.

Richardet accourt derrière lui plein de rage, sa lance en arrêt, et son aspect montre bien, comme toujours, qu’il est un digne paladin de France. Et il l’eût bien prouvé au païen si les chances fussent restées égales. Mais il n’arrive pas jusqu’à lui, car, sans qu’il y ait de sa faute, son cheval tombe et l’entraîne.

Aucun autre chevalier ne se montrant pour lutter avec le païen, celui-ci pense avoir gagné le prix de la bataille, c’est-à-dire la dame. Il vient à elle, près de la fontaine, et dit : « Damoiselle, vous êtes à moi, à moins que quelqu’un ne monte encore en selle pour combattre en votre faveur. Vous ne pouvez vous refuser à le reconnaître, car c’est la loi de la guerre. »

Marphise, levant la tête d’un air altier, dit : « Tu te trompes beaucoup. Je reconnais que tu dirais vrai, en prétendant que je t’appartiens selon le droit de guerre, si l’un de ceux que tu as jetés à terre eût été mon seigneur ou mon chevalier. Mais je ne suis à aucun d’eux ; je ne suis à personne autre qu’à moi. Donc, c’est à moi-même que celui qui désire m’avoir doit m’enlever.

« Moi aussi, je sais manier l’écu et la lance, et j’ai jeté à terre plus d’un chevalier. » Et, se tournant vers les écuyers : « Donnez-moi — dit-elle — mes armes et mon destrier. » Elle enlève ses vêtements de femme et apparaît en simple chemisette, montrant les beautés et les admirables