Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/238

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réfugia avec les personnes de sa famille qui lui étaient le plus chères, et avec tout ce qu’il put emporter précipitamment de ses trésors.

« Alceste vint l’y assiéger. Il nous eut bientôt mis dans une situation si désespérée, que mon père aurait alors bien volontiers consenti à conclure avec lui un traité par lequel il m’aurait livrée à lui comme femme, et même comme esclave, avec la moitié de son royaume, si Alceste avait voulu lui garantir la possession de toutes ses autres richesses. Il était bien certain en effet de se voir faire avant peu prisonnier, et de mourir en captivité.

« Avant de tomber entre les mains de son ennemi, il résolut de tenter tous les moyens possibles pour se tirer de péril. Me considérant comme la cause de tous ses malheurs, il me fit sortir du château et m’envoya vers Alceste. J’y allai, bien résolue à lui livrer ma personne, à le prier de prendre ce qu’il voudrait de notre royaume, et, oubliant sa colère, à nous accorder la. paix.

« Dès qu’il eut appris que j’allais le trouver, Alceste vint au-devant de moi, pâle et tremblant. Il avait bien plus l’air d’un vaincu et d’un prisonnier que d’un triomphateur. Moi, qui reconnus tout de suite de quelle ardeur il brûlait, je me gardai bien de lui parler comme j’en avais d’abord l’intention. Saisissant l’occasion, je conçus un nouveau projet, inspiré par l’état où je le voyais.

« Je commençai par maudire son amour, et par me plaindre vivement de sa cruauté. Je l’accusai