Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/263

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tion a laissée Didon, dont le cœur fut si pudique. Si elle.passe pour une prostituée, c’est uniquement parce que Maro ne fut point son ami. Ne t’étonne point que je m’échauffe sur ce sujet, et que je te parle d’une manière confuse de tout cela ; j’aime les écrivains et c’est mon devoir, car, dans votre monde, je fus écrivain moi aussi.

« Entre tous, j’ai acquis un bien que ne peuvent m’enlever ni le temps ni la mort.. Il appartenait au Christ, tant loué par moi, de me donner une telle récompense. Je plains les écrivains qui vivent en ce triste temps où la courtoisie a portes closes, et qui, le visage pâle, amaigri, décharné, frappent nuit et jour en vain au seuil des grands.

« Aussi, pour revenir à ce que j’ai dit tout d’abord, les poètes et les gens d’étude sont rares. Là où elles ne trouvent ni pâture, ni abri, les bêtes elles-mêmes abandonnent la place. » Ainsi disant, le bienheureux vieillard avait les yeux enflammés comme deux tisons. Mais s’étant retourné vers le duc avec un doux sourire, il rasséréna sur-le-champ son visage courroucé.

Qu’Astolphe reste désormais avec l’écrivain de l’Évangile, car je veux franchir d’un saut toute la distance qu’il y a du fin fond du ciel à la terre ; mes ailes ne peuvent me porter plus longtemps dans ces hautes régions. Je reviens vers la dame à laquelle la jalousie avait, avec son doute cruel, livré un si rude assaut. Je l’ai laissée comme elle venait, après un combat fort court, de jeter à terre trois rois l’un après l’autre.