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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/281

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Elle saute à cheval et, jouant des éperons, elle arrive en toute hâte sur le champ clos où la fille d’Aymon, toute palpitante, attend Roger qu’elle brûle de faire son prisonnier. Bradamante songe à quel endroit elle frappera de sa lance, afin que le coup lui fasse le moins de mal possible. Marphise paraît en dehors de la porte ; sur son casque s’étale l’oiseau Phénix ;

Soit qu’elle ait voulu par cet emblème montrer que sa force est unique au monde, soit qu’elle ait attesté ainsi sa chaste intention de vivre toujours sans époux. La fille d’Aymon la regarde. Ne reconnaissant pas les allures de celui qu’elle aime tant, elle demande à Marphise comment elle se nomme, et elle apprend alors qu’elle a devant elle celle qui jouit de l’amour qui lui est dû,

Ou, pour mieux dire, celle qu’elle croit jouir de l’amour qui lui appartient ; celle qu’elle a en une telle haine, qu’elle mourra si elle ne peut venger sur elle ses larmes et sa douleur. Ayant fait faire volte-face à son cheval, elle revient sur elle, avec le désir non de la jeter à terre, mais de lui passer sa lance à travers la poitrine, et de se débarrasser ainsi de tout soupçon.

Force est à Marphise d’aller, de ce coup, éprouver si le terrain est dur ou mol. Ce qui lui arrive est si inaccoutumé, qu’elle est sur le point d’en devenir folle de dépit. À peine est-elle par terre, qu’elle tire son épée et veut venger sa chute. La fille d’Aymon, non moins furieuse, lui crie : « Que fais-tu ? tu es ma prisonnière.