Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/291

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d’Hector, son bras eût été coupé net par ce coup épouvantable,

Qui eût atteint ensuite la tête, ainsi que le voulait tout d’abord la terrible donzelle. Roger, qui pouvait à peine remuer son bras gauche et soutenir le poids de son bouclier, sentit tout sentiment de pitié l’abandonner. Une flamme sembla briller dans ses yeux. Il porta de toute sa force un coup de pointe. Si tu en avais été touchée, Marphise, mal t’en serait advenu.

Je ne saurais bien vous dire comment cela se fit, mais l’épée alla frapper un des cyprès qui s’élevaient en groupe serré près de là, et s’enfonça de plus d’une palme dans le tronc de l’arbre. Au même moment, la montagne et la plaine éprouvèrent une grande secousse, et du mausolée qui s’élevait au milieu du bosquet, sortit une grande voix, plus forte que celle d’aucun mortel.

La voix terrible cria : « II ne doit pas y avoir de querelle entre vous. Il est injuste, il est inhumain que le frère donne la mort à sa sœur, ou que la sœur tue son frère. Ô mon Roger, et toi, ma chère Marphise, croyez à mes paroles qui ne sont point vaines ! Vous fûtes conçus dans un même sein, d’une même semence, et vous vîntes au monde le même jour.

« Vous fûtes conçus de Roger II. Votre mère fut Galacielle. Ses frères, après avoir tué votre infortuné père, la firent abandonner en pleine mer sur une mauvaise barque, afin de la noyer,