Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/59

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Le roi demande au Circassien quels droits il a sur le cheval, et comment il lui fut enlevé. Sacripant lui rapporte le fait de point en point, et il ne peut s’empêcher de rougir, en racontant que le subtil larron, l’ayant surpris dans une rêverie profonde, avait soulevé sa selle sur quatre piquets et lui avait enlevé le destrier nu, sous lui.

Marphise était accourue aux cris, avec les autres. Aussitôt qu’elle entendit parler du vol du cheval, son visage se troubla. Elle se souvint qu’elle-même avait perdu son épée ce jour-là, et elle reconnut le destrier qu’elle avait vu s’enfuir loin d’elle comme s’il avait eu des ailes. Elle reconnut aussi le bon roi Sacripant, ce qu’elle n’avait pas fait jusque-là.

Ceux qui l’entouraient, et qui avaient souvent entendu Brunel se vanter de ce mauvais tour, commencèrent à se tourner vers ce dernier, et indiquaient par leurs gestes que c’était bien lui en effet. Marphise, soupçonneuse, s’informa aux uns et aux autres de ses voisins, et put enfin acquérir la certitude que celui qui lui avait ravi son épée était Brunel.

Elle apprit que, pour le récompenser de ce larcin, pour lequel il aurait mérité qu’on lui passât une corde bien graissée autour du cou, le roi Agramant l’avait élevé au trône de Tingitane, exemple assez étrange. Marphise, rappelant sa vieille indignation, résolut de se venger sur-le-champ, et de punir les railleries et les injures que Brunel lui avait adressées sur la route, après lui avoir dérobé son épée.