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Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/62

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même, et en tirer la plus éclatantet vengeance.

Mais le roi Sobrin, qui est présent, le dissuade de ce projet, en lui disant que ce serait peu convenable à la majesté royale. Quand bien même il aurait la ferme espérance, la certitude de revenir victorieux, il en recueillerait plus de blâme que d’honneur, car on ne manquerait pas de dire qu’il aurait vaincu une femme.

Il recueillerait peu d’honneur, et courrait un grand danger en engageant la bataille avec elle. Le meilleur conseil qu’il puisse lui donner est de laisser pendre Brunel. Et quand il n’aurait qu’à faire un signe de tête pour l’arracher au nœud coulant, il ne devrait pas faire ce signe, afin de ne pas s’opposer à ce que la justice ait son cours.

« Si tu veux avoir satisfaction sur ce point — disait-il — tu peux envoyer à Marphise quelqu’un qui lui promette de ta part que la corde sera mise autour du cou du larron, ce qui lui donnera satisfaction à elle-même. Et si elle s’obstine à se refuser de te le livrer, respecte son désir ; car il ne faut pas que ton amitié protège Brunel ni aucun autre voleur. »

Le roi Agramant se rendit volontiers au raisonnement discret et sage de Sobrin. Il laissa Marphise tranquille, et ne permit pas que personne allât lui faire outrage. Il ne voulut pas non plus envoyer vers elle. Il s’y résigna, Dieu sait avec quel effort, afin de pouvoir apaiser de plus graves querelles et de purger son camp de toutes ces rumeurs.