Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/67

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Quand il le retrouva, il y eut bataille, au grand désavantage de Sacripant. Je ne dirai pas, pour le moment, comment il perdit son cheval et comment il fut fait prisonnier ; j’ai à vous raconter auparavant avec quel dépit, avec quelle colère contre sa dame et contre le roi Agramant, Rodomont s’était éloigné du camp, et ce qu’il dit contre l’une et contre l’autre.

Partout où passait le dolent Sarrasin, il embrasait l’air de ses soupirs enflammés. Écho, touché de pitié, lui répondait parfois, caché sous les roches creuses. « Ô cœur de la femme — disait-il — comme tu changes vite, comme tu portes facilement ta foi à de nouveaux amants ! Infortuné, malheureux qui croit en toi !

« Ni le long servage, ni le grand amour dont tu as eu mille preuves manifestes, n’ont pu retenir ton cœur, ou faire au moins qu’il ne changeât pas si promptement. Ce n’est point parce que je te parais inférieur à Mandricard que tu me délaisses ; je ne puis trouver d’autre raison à mon infortune, sinon que tu es femme.

« Ô sexe plein de scélératesse, je crois que Nature et Dieu t’ont mis au monde pour punir d’une faute grave l’homme qui, sans toi, aurait vécu heureux. C’est aussi dans cette intention qu’ont été créés le serpent funeste, le loup et l’ours ; c’est pour cela que l’air est fécond en mouches, en guêpes, en taons, et que l’herbe et l’ivraie croissent parmi les blés.

« Pourquoi la mère Nature n’a-t-elle pas fait en