Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/69

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Cependant je veux tellement chercher, avant que je meure ou que mes cheveux blanchissent davantage, qu’un jour peut-être je pourrai dire que j’en ai rencontré une qui m’a gardé sa foi. Si cela m’arrive — et je n’en ai pas perdu l’espoir — je ne me lasserai jamais de la glorifier de mon mieux, par mes paroles et par mes écrits, en vers et en prose.

Le Sarrasin n’avait pas moins d’indignation contre son roi que contre la donzelle. Et à cet égard, il déraisonnait encore en jetant sur Agramant autant de blâme que sur Doralice. Il souhaite voir un tel désastre, une telle tempête se déchaîner sur son royaume, que, dans toute l’Afrique, il ne reste pas debout pierre sur pierre.

Il souhaite qu’Agramant, chassé de son royaume, vive misérable et mendiant, dans les tourments et les luttes ; et que ce soit lui, Rodomont, qui vienne ensuite lui rendre tout ce qu’il a perdu, et le replace sur le trône de ses ancêtres. Il lui montrera ainsi ce qu’on peut attendre d’un serviteur fidèle ; il lui fera voir qu’un ami véritable, qu’il ait raison ou tort, doit être soutenu quand même il aurait tout le monde contre lui.

Ainsi, songeant tantôt à son roi, tantôt à sa dame, le Sarrasin chevauche à grandes journées, le cœur plein de trouble. Il ne s’arrête pas, et accorde peu de repos à Frontin. Le jour suivant, ou l’autre après, il se trouve sur les bords de la Saône. De là, il compte s’acheminer droit vers la mer de Provence, afin de s’embarquer pour rejoindre son royaume en Afrique.