Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/82

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crête et la plus belle des chambres de la reine, et dans laquelle elle n’admettait que ses fidèles les plus dévoués. Il la voit elle-même engagée en une étrange lutte avec un nain qui la tenait dans ses bras. Et ce nain avait su si bien faire, qu’il avait mis la reine sous lui.

« Joconde reste un instant stupéfait et croit rêver. Mais quand il voit que le fait est réel et que ce n’est pas un songe, il est bien forcé d’en croire à lui-même. « Donc — dit-il — celle-ci se livre à u un monstre bossu et contrefait, alors qu’elle a pour mari le plus grand roi du monde, le plus beau, le plus courtois ! quel appétit ! »

« Alors sa pensée se reporte vers sa femme qu’il avait jusque-là estimée la plus coupable des épouses, et sur le jouvenceau auquel elle s’était donnée, et voilà qu’elle lui paraît maintenant excusable. N’était-ce pas, plutôt que la sienne, la faute de son sexe qui ne peut se contenter d’un seul homme ? Et si toutes ont une tache d’encre, du moins la sienne n’avait pas été choisir un monstre.

« Le jour suivant, à la même heure, il revient au même endroit ; et il voit encore la reine et le nain qui font au roi le même outrage ; le jour d’après et l’autre encore, il les trouve occupés à la même besogne ; enfin il n’est pas de jour que la fête n’ait lieu. Et, ce qui lui paraît le plus étrange, la reine se plaint toujours que le nain ne l’aime pas assez.

« Étant un jour à regarder, il voit la reine en grande mélancolie et toute troublée, parce qu’elle