Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/84

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temps rendu malade. Il lui dit que c’était parce qu’il avait trouvé sa femme entre les bras d’un vil sergent de sa maison, et que le chagrin aurait fini par le faire mourir, si le remède avait tardé plus longtemps à venir ;

« Mais qu’il avait vu, dans.la demeure même de Son Altesse, une chose qui avait tout à fait calmé sa douleur, et qui lui avait prouvé que, si le déshonneur l’avait atteint, il n’y était pas tombé seul. Ayant ainsi parlé, et parvenu à l’endroit où la cloison était percée, il lui montra le nain difforme qui tenait sous lui la jument d’autrui, la pressait de l’éperon et lui faisait jouer de l’échine.

« Si le fait parut monstrueux au roi, vous le croirez bien sans que j’insiste. Il fut sur le point de devenir fou de rage, et de se briser la tête contre tous les murs ; il voulut crier, rompre le pacte qui le liait ; mais force lui fut de garder bouche close et d’avaler sa colère âcre et pleine d’amertume, puisqu’il avait juré sur l’hostie consacrée.

« Que dois-je faire, que me conseilles-tu, frère — dit-il à Joconde — puisque tu m’as enlevé la satisfaction d’assouvir ma juste colère par une vengeance cruelle et digne de l’offense ? » « Laissons — dit Joconde — ces ingrates, et voyons si les autres sont aussi faciles ; faisons aux femmes des autres ce que les autres nous ont fait avec nos femmes.

« Tous deux nous sommes jeunes et d’une