Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 3.djvu/90

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si bien, qu’il ne veut en descendre de toute la nuit.

« Joconde, ainsi que le roi, avait senti les secousses continuelles imprimées au lit, et l’un et l’autre, induit en erreur, avait cru que c’était son compagnon qui les produisait. Lorsque le Grec eut fourni son chemin, il s’en retourna de la même façon qu’il était venu. Le soleil ayant dardé ses rayons au-dessus de l’horizon, Fiammetta sauta à bas du lit et fît entrer les pages.

« Le roi dit à son compagnon qui se taisait : « Frère, tu dois avoir fait beaucoup de chemin. Il est bien temps que tu te reposes, après avoir été à cheval toute la nuit. » Joconde, lui répondant aussitôt, dit : « Tu me dis ce que je devrais te dire. C’est à toi qu’il convient de te u reposer, et grand bien te fasse, car toute la nuit tu as chevauché au galop de chasse. »

« Moi aussi — répondit le roi — j’aurais sans aucun doute laissé courir une traite à mon chien, si tu m’avais prêté un peu le cheval ; mais tu as fait ma besogne. » Joconde répliqua : « Je suis ton vassal, et tu peux faire et rompre a avec moi tout pacte ; aussi n’est-il pas besoin de te servir de pareils détours. Tu pouvais bien me dire : laisse-la tranquille ! »

« De réplique en réplique, une grosse querelle s’élève entre eux ; ils en viennent aux’paroles piquantes, car l’un et l’autre sont vexés d’avoir été joués. Ils appellent Fiammetta qui n’était pas loin et tremblait que sa faute n’eût été découverte,