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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/10

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

appliquée à être curieuse et je crois que j’ai réussi. Ma curiosité s’est exercée sur les choses de l’amour, parce que j’ai vite compris que c’étaient celles pour lesquelles j’étais née.

J’ai aimé pour la première fois à l’âge de huit ans. J’étais au couvent, dans une petite ville de province. Celui que j’aimais était l’enfant de chœur qui servait la messe. Je me souviens qu’il avait un visage blême et sans expression et, quand il rencontrait par hasard mon regard, il y avait dans ses yeux une indifférence infinie. Mais il faisait battre mon cœur, je l’aimais pour le rôle qu’il jouait, ses vêtements ecclésiastiques, sa participation à la divinité.

Ensuite le prédicateur fut l’objet de mon culte. J’allais faire ma première communion. Il parlait d’une voix enflammée, il me promettait le paradis, il me menaçait de l’enfer, il était tout-puissant et, bien qu’un peu gros et chauve, il se dégageait de sa personne le rayonnement de la foi.

Puis j’adorai mon professeur de littérature au point qu’il m’était presque impossible de réciter ma leçon, non parce que je ne l’avais point apprise, mais parce qu’une tendre émotion me serrait la gorge.

À treize ans, quand je commençai à aller avec mes sœurs dans de petites soirées de jeunes filles, je fus amoureuse d’un jeune homme de dix-sept