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Page:L’Art de séduire les hommes, suivi de L’Amour et les poisons, 1915.djvu/43

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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

attendu fort longtemps, car le tragédien, à l’exception du jour où il a des leçons au Conservatoire, se lève très tard.

Il arrive en robe de chambre. Il n’est pas rasé et il a une mèche sur le front.

— Quelle scène travailles-tu ? dit-il tout de suite.

Et tu accueilles avec un secret frisson d’orgueil ce tutoiement qui a l’air de te situer dans le milieu, qui te fait considérer comme quelqu’un de la partie.

Tu récites. Tu es très émue. Tu récites mal. Mais sans doute le génie qui t’anime est plus grand encore que tu ne le supposes, car, malgré la conscience que tu as de ta gaucherie et de ta médiocrité, le sourcil du tragédien s’est relevé, son œil s’est promené sur ton visage et sur ton corps ; d’un geste noble il a relevé la mèche de cheveux qui tombait sur son front, il a fait faire un pli plus harmonieux à sa robe de chambre.

Il déclare que tu as les plus grandes qualités dramatiques et que tu pourras, grâce à lui, faire une brillante carrière au théâtre. Il te donnera des leçons et il te préparera lui-même au Conservatoire.

Tu es ravie. Un tel bonheur t’empêche d’être choquée de la façon dont il tâte tes bras pour voir si ce sont des bras tragiques, dont il te dit de marcher et de te tourner. Tu n’es même pas trop sur-