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Page:L’Art priapique, parodie des deux premiers chants de l’art poétique, 1864.djvu/29

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L’ART POÉTIQUE.

L’un n’est point trop fardé, mais sa muse est trop nue ;
L’autre a peur de ramper : il se perd dans la nue.
Voulez-vous du public mériter les amours ?
Sans cesse en écrivant variez vos discours.
Un style trop égal et toujours uniforme
En vain brille à nos yeux, il faut qu’il nous endorme.
On lit peu ces auteurs, nés pour nous ennuyer,
Qui toujours sur un ton semblent psalmodier.
Heureux qui dans ses vers sait, d’une voix légère,
Passer du grave au doux, du plaisant au sévère !
Son livre, aimé du ciel et chéri des lecteurs,
Est souvent chez Barbin entouré d’acheteurs.
Quoi que vous écriviez, évitez la bassesse ;
Le style le moins noble a pourtant sa noblesse.
Au mépris du bon sens, le burlesque effronté
Trompa les yeux d’abord, plut par sa nouveauté,
On ne vit plus en vers que pointes triviales,
Le Parnasse parla le langage des halles,
La licence à rimer alors n’eut plus de frein,
Apollon travesti devint un Tabarin.
Cette contagion infecta les provinces,
Du clerc et du bourgeois passa jusques aux princes,
Le plus mauvais plaisant eut ses approbateurs,
Et jusqu’à d’Assouci tout trouva des lecteurs.
Mais de ce style enfin la cour désabusée
Dédaigna de ces vers l’extravagance aisée,