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Page:L’Art priapique, parodie des deux premiers chants de l’art poétique, 1864.djvu/43

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L’ART POÉTIQUE.

Mais souvent dans ce style un rimeur aux abois
Jette là de dépit la flûte et le hautbois,
Et follement pompeux dans sa verve indiscrète,
Au milieu d’une églogue entonne la trompette.
De peur de l’écouter, Pan fuit dans les roseaux,
Et les nymphes, d’effroi, se cachent sous les eaux.
Au contraire, cet autre, abject en son langage,
Fait parler ses bergers comme on parle au village ;
Ses vers plats et grossiers, dépouillés d’agrément,
Toujours baisent la terre et rampent tristement.
On dirait que Ronsard, sur ses pipeaux rustiques,
Vient encor fredonner ses idylles gothiques,
Et changer, sans respect de l’oreille et du son,
Lycidas en Pierrot, et Philis en Toinon.
Entre ces deux excès la route est difficile ;
Suivez, pour la trouver, Théocrite et Virgile ;
Que leurs tendres écrits, par les Grâces dictés,
Ne quittent point vos mains, jour et nuit feuilletés ;
Seuls, dans leurs doctes vers, ils pourront vous apprendre
Par quel art sans bassesse un auteur peut descendre,
Chanter Flore, les champs, Pomone, les vergers,
Au combat de la flûte animer deux bergers,
Des plaisirs de l’amour vanter la douce amorce,
Changer Narcisse en fleur, couvrir Daphné d’écorce,
Et par quel art encor l’églogue quelquefois
Rend dignes d’un consul la campagne et les bois.