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ciel bleu où vous causez avec le bon Dieu et la bonne Vierge Marie, et les petits anges si doux et si charmants !

Oh ! qu’ils doivent être beaux les petits anges avec leur prunelle submergée d’infini et leurs ailes de rose sur leurs épaules de marbre !

Moi j’en avais un, il s’appelait…

Comment s’appelait-il déjà ?

Je ne sais plus, je ne sais plus.

C’est Suavia qui me l’a pris.

Suavia, tu as été méchante !

Pourquoi me prendre mon petit ange ?

Oh ! les vieilles forêts ! les forêts, les forêts !

Savez-vous, les forêts !

Le ténèbre des feuillages où palpite le clair de lune des rayons du soleil vannés par les brises qui baisent les grands chênes au front ; les clairières désertes, sauvages, immobiles, silencieuses, où halète sous les ardeurs du midi le gazon desséché ; les pentes des monticules où les fraises et les framboises rougissent aux caresses délicates du petit ruisseau jaseur, le petit ruisseau qui s’en va, son manteau bleu de ciel sur la hanche, et sa moustache verte fièrement retroussée, le long des berges embaumées, en fredonnant son petit refrain coquet et matamore ; les vieux chênes, couchés en travers des sentiers, dormant de ce sommeil morne que leur donne la hache du bûcheron ; les pelouses cachées derrière les taillis où les cerfs au poil fauve rêvent, l’œil fixe ; et puis, dans le lointain, aux dernières profondeurs des feuillages, la respiration lente et saccadée de la forêt qui souffle comme une poitrine humaine.

Oh ! dormir ou rêver !

Dormir sous les branches, aux marges des forêts, sans songer à l’amour, cette peste du cœur, sans songer à la gloire, cet ananas plein de cendre !

Oh ! dormir ou rêver !

En laissant ces deux morts qu’on appelle le passé et l’avenir gésir paisiblement dans leur commun linceul.

Dormir, sans regrets, sans désirs, sans rêve !

Heureux comme une pierre !

Dormir, ivre d’oubli !

Suavia ! Suavia ! je t’aime, je t’aime toujours !

Paillasse, mon ami, sais-tu ce que tu es !

Tu es un type.

Paillasse, c’est l’humanité.

Le diable, c’est le clown qui fouette Paillasse, et le bon Dieu regarde.

ÉTIENNE EGGIS.


LES MUSÉES DE PROVINCE.


MUSÉE DE TOULOUSE.



École flamande. — Le tableau Martyre d’un chrétien (146), attribué à François Lucas et donné par le livret comme un original, est bien certainement une copie ou une imitation de Rubens, faite par une main inhabile, mais exercée dans son école. Quant au Lucas, inconnu du rédacteur et qu’il donne pour élève à Rubens, en se reportant à l’état des tableaux envoyés en 1811, il eût pu se convaincre que cet inconnu est Luc Jacobz (Lucas de Leyde), né en 1494, mort en 1533, quarante-quatre ans avant la naissance de Rubens. À son tour, l’état des tableaux se trompe quand il attribue à Lucas de Leyde le tableau de Toulouse. C’est, je le répète, une œuvre de l’école de Rubens[1].

Le Cornelis de Haarlem, l’Age d’or (125), vient de la galerie de Brunswick et a été envoyé en 1811. Cette imitation de notre école de Fontainebleau, faite par un Hollandais, à l’époque où la tradition de cette école était à peu près perdue, est fort singulière et ne manque pas d’intérêt. C’est autre chose comme valeur artistique. C’est également de Brunswick que provient le Couronnement d’épines (143), de Kœberger, œuvre sèche et dure de ce maître dont le Louvre ne possède rien, et dont je ne connais en France d’autre tableau que celui du musée de Nancy.

J’ai vainement cherché dans les anciennes descriptions de Notre-Dame l’indication du Couronnement d’épines (135), de Jansens, que l’état des tableaux envoyés en 1811 enregistre comme y ayant figuré. Il

  1. L’inventaire du Louvre se trompe en effet, et ici m’a trompé. C’est à M. Paul Mantz que je dois d’avoir reconnu mon erreur. On me saura gré de publier ici la lettre qu’il m’écrirait quelques jours après la publication de ce travail dans le Moniteur, relativement à François Lucas :

    31 janvier 1860.

    « Mon cher ami, permettez-moi de vous faire passer une rectification dont vous ferez votre profit s’il y a lieu.

     » Il s’agit du peintre, passablement mystérieux, que le catalogue désigne sous le nom de François Lucas, élève de Rubens.

     » Ce nom vous a troublé, et moi-même j’ai eu un moment d’inquiétude ; mais puisque, d’après vos souvenirs, le tableau est bien de l’école de Rubens, il ne faut pas hésiter à l’attribuer à Lucas ou Luc Franchoys, un honnête peintre qui est né à Malines en 1574 et qui y est mort en 1643.

     » À proprement parler, Franchoys n’est pas l’élève de Rubens, qui était plus jeune que lui ; mais il a visiblement subi son influence.

     » On voit deux tableaux de lui au musée d’Anvers, et un portrait du sculpteur Faidherbe à Bruxelles. »