Page:L’Ermitage, volume 20, janvier-juin 1900.djvu/130

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 Je résigne l’orgueil par où je restais fort,
Et j’appelle en pleurant et l’amour et la mort.

« C’est donc toi, mon désir, ma vierge bien-aimée !
Faible comme une lampe à demi consumée
Et contenant ton sein gonflé de volupté,
Tu viens enfin remplir ta place à mon côté.
Tu laisses défaillir ton front sur mon épaule,
Tu cèdes sous ma main comme un rameau de saule,
Ton silence m’enivre et tes yeux sont si beaux,
Si tendres que mon cœur se répand en sanglots.
C’est toi-même, c’est toi qui songes dans mes bras !
Te voici pour toujours mienne, tu dormiras
Mêlée à moi, fondue en moi, pensive, heureuse,
Et prodigue sans fin de ton âme amoureuse !
Ô Dieu juste, soyez béni par cet enfant
Qui voit et contre lui tient son rêve vivant !
Mais toi, parle, ou plutôt, sois muette, demeure
Jusqu’à ce qu’infidèle au ciel plus pâle, meure
Au levant la dernière étoile de la nuit.

Déjà l’eau du matin pèse à l’herbe qui luit,
Et, modelant d’un doigt magique toutes choses,
L’aube à pleins tabliers sème ses jeunes roses.
Ô la sainte rumeur de sève et de travail !
Écoute passer, cloche à cloche, le bétail,
Et rauquement mugir la trompe qui le guide.
La vallée a ses tons d’émeraude liquide,
Les toits brillent, les bois fument, le ciel est clair,
Chaque vitre au soleil répond par un éclair.

La douceur de la vie entre par la fenêtre.
J’aime à cause de toi l’aube qui vient de naître,
Et, mêlée à la grâce heureuse du décor,
Mon immortelle amour, tu m’es plus chère encor.
Nous tremblons, enivrés du vin de notre fièvre,
Et nous nous demandons tout bas et lèvre à lèvre,