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Page:L’Ermitage - 1906, tome 2, juillet-décembre.djvu/180

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dit qu’il me présentera ma fille, qu’il avoit appelée Jacomine à son baptême. J’ai cru de ne devoir pas en convenir, j’en ai ri, je lui ai dit que la chose n’étoit pas possible, et il me répondit de sang froid que j’en conviendrois quand je la verrois. Me voilà devenu très curieux ; voici encore une autre intrigue qui pouvoit avoir des conséquences ; mais cette fille en tout cas ne pouvoit être qu’un enfant de neuf à dix ans, et ma qualité de père devoit être fort douteuse, car le perruquier avoit épousé Mariuccia quatre semaines après le premier tendre entretien que j’avois eu avec elle.

Mais à midi sa physionomie me frappa. Elle avoit tous mes traits en beau, et elle étoit beaucoup plus belle que Sophie, que j’avois eu de Thérèse Pompéati que j’avois laissée à Londres.

Jacomine étoit très grande pour son âge, et très bien faite. Je ne l’ai que très peu regardée ; mais je la voyois attentive à m’examiner concentrée dans le silence. J’ai saisi le premier moment pour demander à Mariuccia avec quel fondement son mari avoit pu me dire que Jacomine étoit ma fille, et elle me répondit comme si de rien n’étoit qu’il en étoit sûr comme elle, et que cela n’empéchoit qu’il ne l’aimât de préférence à tous ses autres enfans. — Mais la petite ne sait pas qu’elle n’est pas fille de ton mari. — Non certainement. On ne confie pas aux enfans ces secrets-là.

J’ai trouvé la maison de Mariuccia très propre, et la chambre que son mari Clément m’offrit m’ayant plu, j’ai laissé qu’il fasse porter de l’auberge mon portemanteau.

Mariuccia me prévint tête à tête que je dinerois avec une femme encore fille qu’on appelle la signora Veronica, qui tenoit une école de dessin, chez laquelle Jacomine apprenoit, faisant des progrès étonnans. Cette femme, me dit-elle, viendra avec sa prétendue nièce, jolie et très habile, grande amie de Jacomine. Elle a treize ans. Sa tante te connoît ; mais elle a beaucoup plus connu ton frère Zanetto. Nous avons beaucoup parlé de toi, et elle sera agréablement surprise quand elle te verra.

Effectivement elle le fut quand elle me vit ; mais pas plus que moi quand j’ai vu sa nièce qui ressembloit à mon frère d’une façon dont on ne pouvoit pas s’imaginer la plus indiscrète. J’ai tout deviné. Madame Veronica, assise à table à mon côté, après m’avoir dit que la jeune fille étoit fille d’une sœur qu’elle avoit, et qui étoit morte, elle me dit au dessert que je