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Page:L’Héritier de Villandon - L’Avare puni, 1734.djvu/17

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L’AVARE PUNI.

Puis changeant d’inclination,
Il se coëffa d’une autre passion.
Tout d’un coup on vit l’avarice
Estre l’objet de son caprice.
Ayant donc fait amas d’argent,
N’importe avec quoi ni comment,
Il prit parti dans les Finances.
C’est-là que son art excella :
Jamais Maltotier n’égala
Son brigandage affreux, ses dures impudences :
Il plaidoit tout le monde, & gagnoit ses procès,
Et sçut porter si loin ses avares excès,
Qu’il vouloit qu’à ses gens le seul os d’une éclanche
Pût fournir du potage au moins cinq ou six fois ;
Ne mettoit de chemise blanche
Tout au plus qu’une fois le mois :
Bien plus, du franc-salé qu’il tiroit d’une Charge
Qu’il avoit chez Henry le Large,
Il vendoit le sel à faux poids.
On ne peut exprimer la peine, la misere
Qu’avoient dans sa maison & Commis & Valets.
Il fut l’inventeur mercenaire
D’un Almanac qui fait exprès
Les Fêtes retranchoit, & triploit les Vigiles,
Qu’il faisoit jeûner à l’excès :
Enfin dans la rapine il sçavoit des secrets
Dont tous les Harpagons, même les plus habiles ;
N’auroient pû s’aviser jamais.
Si vif à grapiller, & d’une humeur si chiche,
En peu de temps il devint riche.
Lors il eut en tous lieux grand pouvoir, grand crédit,