Page:L’Humanité nouvelle, 1901.djvu/4

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rement et sans appel et la perçoivent sans aucun contrôle. Les cultivateurs sont obligés par eux de verser la dîme en argent, contrairement aux lois promulguées à plusieurs reprises sur cette matière. Les autres impôts, dont le nombre a été augmenté au-dessus de toute mesure, sont perçus par des gendarmes que les préposés du fisc envoient dans les villages avec pleins pouvoirs. Plusieurs de ces gendarmes, provisoirement collecteurs d’impôts, ne savent pas lire. De là, absence de toute comptabilité fiscale. Le contribuable qui s’est libéré de ses charges n’a aucun recours si on l’astreint à s’acquitter deux fois d’un même impôt. Les employés des contributions leur délivrent, sur demande spéciale et après mille formalités rebutantes des reçus officiels, mais ils consignent dans ces documents des sommes que le contribuable chrétien, ignorant du turc,-ne peut pas vérifier. Les gendarmes-collecteurs, envoyés en tournée dans les villages, y restent pendant des semaines : ils sont nourris et logés gratis, et, de plus, ils commettent le plus souvent de révoltantes cruautés... Depuis que la crise des finances de l’empire est plus pressante, les impôts sont perçus dans le premier mois de l’année budgétaire, c’est-à-dire au mois de mars, à l’époque où le manque d’argent se fait sentir le plus durement dans les campagnes. La rentrée s’opère généralement au moyen de ventes forcées.

Avant la fameuse réforme, dont on a tant loué la portée, les municipalités répartissaient entre les contribuables les divers impôts dont le montant leur était notifié par l’autorité fiscale. Des préposés, plus par les édilités, percevaient les contributions et les remettaient aux mains des fonctionnaires de l’Etat. Les municipalités empêchaient de cette façon le contact du pouvoir central avec la population de la province. 11 en résultait un grand soulagement pour la masse. Depuis la réforme, dont le seul effet positif fut de centraliser les fonctions de l’Etat, les privilèges de cette nature disparurent. Les municipalités n’ont plus aucune attribution importante. La loi de 1877 les charge du soin de veiller sur les mesures et les poids, de porter la main à ce que la viande exposée aux magasins soit préservée des mouches par des étoffes légères, etc. En somme, l’activité de cette institution importante, à laquelle Urquhart attribuait le fait étonnant de la longue durée de la Turquie, est réduite à un rôle purement figuratif.

D’après le hatti-houmayoun, de grandes réformes devaient être réalisées surtout dans l’administration des provinces. En effet une grande activité a été déployée dans ce domaine. On a calqué sur le droit public français les rouages des préfectures, des conseils administratifs, etc., mais le zèle des hommes d’Etat turcs s’est arrêté à cette imitation purement extérieure. Les chrétiens qui entrent dans les conseils des préfectures sont toujours nommés arbitrairement par le vali, gouverneur général, et choisis généralement parmi les exploiteurs chrétiens auxquels le régime turc profite beaucoup. Ignorants du turc, : comme tous les chrétiens du reste, ces messieurs ne peuvent pas participer aux travaux et aux délibérations de ces assemblées. Les valis les rendent systématiquement ridicules en les traitant publiquement comme des valets. Depuis quatre ans on a nommé, dans les chefs-lieux des vilayets, des adjoints chrétiens aux gouverneurs généraux, —