Page:L’Humanité nouvelle, octobre 1906.djvu/83

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social. Voilà pourquoi, lorsque l’heure de sa libération politique a sonné, nous voyons se dérouler en Russie une révolution même sur le double front de ses revendications politiques et sociales.

Écrasée sous le poids d’une terrible réaction, toujours s’accentuant, la nation entière semblait demeurer inerte. Une censure sévère ne laissait pas transpirer dans la presse un seul cri de protestation, encore moins de révolte, pas même un gémissement qui eût pu porter au dehors l’écho de ses souffrances. Oui, à en juger d’après l’apparence, cet immense pays était engourdi… Mais, dans le silence austère auquel il se voyait condamné, un travail intime continu et fécond s’accomplissait dans ses entrailles lentement, méthodiquement. Telle une chrysalide immobilisée sous son enveloppe de couleur effacée, n’attirant point les regards, cependant qu’une force merveilleuse travaille tout son être. Enfin, déchirant l’enveloppe qui l’oppresse, elle apparaît, soudain, dans tout l’éclat de sa beauté.

Depuis trente cinq ans de réaction inepte frisant la folie, le besoin impérieux de rénovation travaille la Russie. La voici toute prête à déchirer les liens qui la compriment, pour apparaître dans toute la beauté virile de sa transformation politique et sociale sous forme de république fédérative, reconnaissant les droits autonomes des populations périphériques, jadis subjuguées par la force des armes. Et au monde émerveillé, elle criera le mot d’ordre qui sera celui-ci : libération politique, assurant la liberté aux peuples et la dignité personnelle à l’individu ; émancipation du travail — assurant le progrès et le développement des richesses nationales ; socialisation du sol et des moyens de production — assurant le pain et le gîte pour tous, en attendant le bien-être pour tous ; milice nationale — assurant la paix désarmée en Europe.

Déjà on voit des troupes « infidèles » se refuser à faire la police du tsarisme mourant, qui cherche son salut dans les massacres, qu’il organise dans toutes les villes importantes avec l’aide de sa garde et des régiments encore fidèles, des gendarmes, de la police et des sotnis noires, recrutées parmi les gens sans aveu ; dans la guerre civile, qu’il déchaîne sur toute l’étendue de son empire ; enfin dans les conseils de guerre, qu’il fait substituer aux tribunaux civils en proclamant l’état de siège dans la moitié du pays. La vue du sang qu’il fait couler à flots révolte