Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/100

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creuse des lits dans le sable et s'assied en nous attendant. Bientôt nous arrivons près d'elle ; la déesse nous fait cacher en ordre, et elle jette sur chacun de nous une peau de phoque. Mais, quelle affreuse embuscade ! Nous étions suffoqués par l'odeur insupportable qu'exhalaient ces phoques nourris dans les abîmes de la mer. Qui pourrait en effet reposer auprès d'un monstre marin ?.. Idothée, pour nous sauver, apporte un soulagement à nos souffrances : elle approche de nos narines l'ambroisie dont les suaves parfums éloignent des mortels l'odeur de ces immenses poissons. — Durant toute la matinée nous attendîmes avec patience le divin vieillard. — Les phoques abandonnent les eaux de la mer et vont se coucher en ordre sur les bords du rivage.

Au milieu du jour le vieux Protée sort des ondes, et trouvant les phoques chargés de graisse, il parcourt leurs rangs et les compte. C'est nous qu'il compte les premiers, sans soupçonner aucune ruse ; puis lui-même il se couche. Soudain nous nous précipitons sur le vieillard en poussant des cris terribles, et nous jetons nos bras vigoureux autour de lui. Mais le dieu marin n'a point oublié son art perfide : il se change d'abord en lion à l'épaisse crinière, puis en dragon, en panthère, en sanglier énorme ; et il se transforme encore en eau limpide et en arbre au feuillage élevé. Mais nous le tenons ferme, nous, et nous le serrons avec une constance inébranlable. Lorsqu'enfin le vieillard, malgré ses ruses, est fatigué de la lutte, il m'adresse ces paroles :



« Fils d'Atrée, quel dieu t'a enseigné de me prendre par force dans une embûche ? Que me demandes-tu ?

Ainsi parla Protée, et moi je lui répondis en ces termes :