Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/144

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Ainsi parle Nausica ; puis elle dit à ses femmes à la belle chevelure :

« Arrêtez, ô mes compagnes ! Pourquoi fuyez-vous à la vue de cet étranger ? Pensez-vous donc que ce héros soit un de nos ennemis ? Non, il n'est point encore né, et il ne naîtra jamais, le mortel qui oserait venir dans le pays des Phéaciens pour y porter la guerre[1]; car nous sommes chéris des dieux immortels. Nous habitons, séparés de tous, une île située vers les confins du monde, au sein de la mer mugissante ; et nul peuple ne vient nous visiter. Cet étranger est un infortuné dont nous devons prendre soin ; car il erre depuis longtemps sur les flots. Jupiter nous envoie tous les malheureux et tous les étrangers égarés par les tempêtes. Comme les dons les plus faibles sont toujours agréables à ceux qui souffrent, mes compagnes, offrez à cet homme les aliments et le breuvage ; puis baignez-le dans le fleuve, en un lieu qui soit à l'abri des vents. »

À ces mots les suivantes s'arrêtent et s'encouragent mutuellement. Elles conduisent Ulysse dans un endroit abrité comme l'avait ordonné Nausica, la fille du magnanime Alcinoüs ; elles déposent tout près de lui des vêtements, une tunique et un manteau ; elles lui donnent une huile onctueuse renfermée dans une fiole d'or, et elles l'engagent à se baigner dans le courant du fleuve. Alors le divin Ulysse parle en ces termes aux compagnes de Nausica :

« Jeunes filles, éloignez-vous tandis que j'enlèverai l'onde amère qui couvre mes épaules et que je m'inonderai d'huile odo-

  1. Ce passage difficile a été rendu d'une manière plus ou moins obscure par les traducteurs français et latins. Nous avons suivi, nous, les explications de Nitzsch et la traduction de Voss. Les savants auteurs du Dictionnaire des Homérides, en citant Voss, disent que cet écrivain traduit ce passage par : il ne se meut pas encore, et il ne sera jamais, le mortel, etc. Il paraît alors que MM. Theil et Hallez d'Arros avaient sous les yeux une autre édition que celle que nous possédons, car, dans celle-ci, nous lisons : Certes, il ne vit pas encore, et il ne sera jamais, celui qui, etc. : Wahrlich der lebt noch nicht. und niemals wird er gelioren (Homer's Odyssée, von Joh. Heinr. Voss herausgegcbeu von Abraliain Voss. Leips., 1837 ; — sechsltr Gesang, v. 201).