Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/147

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s'étend une place pavée de grosses pierres profondément enfouies dans le sol ; là on prépare les agrès des sombres navires, les cordages et, les câbles, et l'on polit les rames ; les Phéaciens ne font ni arcs, ni carquois, mais ils construisent des mâts, des rames et des vaisseaux sur lesquels ils traversent avec joie les mers blanchissantes) ; quand, dis-je, nous approcherons de la ville, évitons les propos malveillants ; craignons que quelqu'un ne nous suive et ne nous raille, car il y a beaucoup d'insolents parmi le peuple. Si un homme d'origine obscure vient à nous rencontrer, il ne manquera pas de dire :

Quel est cet étranger si grand et si beau qui suit Nausica ? Où l'a-t-elle rencontré ? Serait-ce celui qui deviendra son époux ? Elle a peut-être recueilli cet homme poussé sur nos côtes avec son navire par les violentes tempêtes, puisqu'il n'existe aucun peuple voisin de notre île. Sans doute qu'aux prières de cette jeune fille un dieu ardemment désiré est descendu du ciel, et maintenant elle veut le retenir pour toujours auprès d'elle. Certes, elle a mieux fait d'aller elle-même chercher un époux ailleurs. Elle méprise, dit-on, les Phéaciens parmi lesquels cependant tant de nobles hommes la recherchent en mariage.

C'est ainsi qu'ils parleraient, et leurs paroles seraient outrageantes pour moi. Je blâmerais celle qui agirait de la sorte, et qui, sans l'aveu de son père et de sa mère, se mêlerait aux hommes avant d'avoir célébré publiquement son union. Étranger, écoute mes paroles afin que mon père t'accorde promptement tout ce qu'il te faut pour quitter cette île et retourner dans ta patrie. Tu trouveras sur les bords de la route un bois magnifique consacré à Minerve et planté de hauts peupliers. Là coule, au milieu d'une prairie verdoyante, une source limpide ; là se trouve le champ de mon père, florissant verger, qui n'est éloigné des habitations que de la portée de la voix. Repose-toi en ces lieux jusqu'à ce que moi et mes femmes nous soyons entrées dans la ville et que nous ayons atteint le palais de mon père. Alors dirige-toi aussi vers la cité et informe-toi de la demeure du magnanime Alcinoüs. Cette demeure est facile à trouver : un faible enfant pourrait t'y conduire, car parmi les palais des Phéaciens il n'en est point de comparable à celui d'Alcinoüs. Dès