Page:L’Odyssée (traduction Bareste).djvu/216

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» Alors je divise en deux parties mes guerriers aux belles cnémides, et je donne un chef à chacune d'elles. Moi, je commande la première troupe, et le divin Euryloque marche à la tête de la seconde. J'agite aussitôt les sorts dans un casque afin de savoir quelle troupe irait à la découverte : le sort qui paraît le premier est celui du magnanime Euryloque. Ce héros s'éloigne suivi de vingt-deux Achéens qui nous quittent les yeux baignés de larmes, nous qui poussons de longs gémissements ! Ces guerriers découvrent, au sein d'un vallon, les palais de Circé bâtis en pierres polies et situés sur un tertre élevé. Autour de cette demeure étaient des loups sauvages et des lions que la déesse avait domptés en leur donnant de funestes breuvages. Ces animaux, loin de se précipiter sur mes compagnons, se dressent au contraire pour les caresser de leurs longues queues. Ainsi, des chiens fidèles flattent leur maître quand il revient d'un festin ; car il leur rapporte toujours quelques mets friands : de même ces lions et ces loups aux fortes griffes caressent mes guerriers qui sont cependant effrayés à la vue de ces monstres terribles. La troupe d'Euryloque s'arrête sous les portiques de la déesse à la belle chevelure, et écoute Circé, qui, dans l'intérieur du palais, chante d'une voix mélodieuse en tissant une toile immense et divine, une toile semblable aux magnifiques travaux délicats et éblouissants des divinités célestes. Polytès, l'un des chefs, et celui de tous mes compagnons que j'honorais le plus, parle en ces termes :

« Ô mes amis, j'entends une femme, déesse ou mortelle, chanter avec délices dans l'intérieur de ce palais en tissant une grande toile (les parois en retentissent); hâtons-nous donc d'appeler cette femme. »

» Il dit, et tous mes compagnons élèvent la voix. Circé accourt aussitôt, ouvre ses portes brillantes, nous invite à la suivre, et tous mes guerriers entrent imprudemment dans le palais. Mais Euryloque, soupçonnant quelque embûche, reste seul sous les portiques. Circé les introduit, et les fait asseoir sur des trônes et sur des sièges ; puis elle mêle du fromage, de la farine d'orge et du miel nouveau avec du vin de Pramne, et elle ajoute ensuite à cette préparation des plantes funestes afin que mes compa-